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Yamoussoukro (Côte d’Ivoire) a accueilli, du 9 au 13 février 2015, la 3ème Conférence des ministres africains en charge de l’état civil organisée par l’Union africaine (UA) et la Commission économique pour l’Afrique (CEA), avec l’appui de partenaires dont l’UNFPA, le Fonds des Nations Unies pour la population. L’UNFPA a réaffirmé son appui aux Etats dans le renforcement de leur système d’état civil.

La 3eme Conférence, qui vient après celles d’Addis-Abeba en 2010 et de Durban en 2012, a démarré par une session réunissant plus de 300 experts représentant des Etats africains, des institutions internationales et de la société civile, du 9 au 11 février. Elle s’est achevée par la rencontre des ministres en charge de l’état civil les 12 et 13 février.

Les ministres se sont engagés à mobiliser des ressources financières internes et externes pour renforcer les systèmes d’état civil. Ils ont par ailleurs recommandé que les Chefs d'État et de Gouvernement de l'Union africaine déclarent la décennie 2015-2024, décennie de repositionnement de l’état civil et statistiques des faits d’état civil dans les agendas de développement régionaux et nationaux.

L’UNFPA a réaffirmé son engagement aux côtés des Etats, à travers la présence d’une forte délégation conduite par la directrice régionale adjointe pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Mme Béatrice Mutali. Les orateurs au nom de l’UNFPA ont tous souligné la nécessité de déclarer les naissances et de les enregistrer, mais surtout de maîtriser les statistiques démographiques dans un pays. Plus qu’une formalité administrative, il s’agit d’une question de bonne gouvernance et d’un ferment du développement.

Selon Mme Mutali, sans les femmes et les enfants, cette aspiration ne peut être comblée. « Le fait que des enfants n’aient pas d’identité est lourd de conséquences pour le pays, parce qu’il ne dispose pas de statistiques fiables sur cette frange de personnes pour son développement. Il est difficile, dans ces conditions, pour les gouvernements, de faire une bonne planification. La situation est semblable pour les femmes. Elles ne sont pas enregistrées lors des mariages ». En conséquence, en cas de divorce ou de décès, elles sont exclues de la succession, a-t-elle indiqué.

En outre, les femmes sont confrontées à la mortalité maternelle, particulièrement élevée en Afrique, ce qui a amené l’UNFPA à investir dans les domaines de la santé sexuelle des femmes et des jeunes, ainsi que dans l’accès aux services sociaux.

Selon la directrice régionale adjointe pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, c’est en 1970 que l’UNFPA a démarré sa collaboration avec les gouvernements africains sur la problématique des statistiques et de l’état civil.

Situation catastrophique 
M. Richmond Tiemoko, Conseiller régional de l’UNFPA en Population, a relevé que la situation relative à la déclaration et l’enregistrement des faits d’état civil n’est guère reluisante, s’appuyant sur le Rapport 2014 des Nations Unies.

Celui-ci stipule que « les statistiques des faits d’état civil sont très limitées et pas régulièrement mises à jour. Ainsi, sur 238 pays ou zones couverts, les données les plus récentes et disponibles sur les naissances vivantes remontent à quatre ans ou plus pour 146 pays (soit 61%). Pour 35 pays, il n’y a aucune donnée statistique disponible sur les naissances vivantes pour la période 1998-2012. La disponibilité des données sur les décès (total) est similaire ». Quant aux mariages et aux divorces, les taux sont plus faibles et les statistiques quasiment inexistantes en Afrique ».

Les femmes, en position de faiblesse 
Dans une communication conjointe de l’UNFPA, de la CEA et de la Commission de l’UA, Mme NGoné Diop, responsable Genre à la CEA, a plaidé pour la prise en compte du genre dans l’établissement des faits d’état civil. Soustraire les femmes et les enfants dans sa gouvernance est faire preuve d’« exclusion » et de pilotage à vue. En effet, « plus de 80% de femmes célibataires ou non, en Afrique, ne peuvent enregistrer leurs enfants, parce qu’elles ne savent pas où se trouvent les services d’état civil. Quand bien même elles le voudraient, elles sont empêchées par certaines contraintes qui exigent la signature du père pour enregistrer la naissance d’un enfant. Quand celui-ci est absent, cette formalité devient difficile. Il faut souligner également que de nombreux pays se basent sur la nationalité du père pour accorder la nationalité aux enfants », a-t-elle déploré.

Plus de 20 millions d’enfants non déclarés 
Au nom des jeunes africains, Mlle Béatrice Amoin Kouadio a exhorté les pays à prendre effectivement en compte les jeunes dans leur politique de développement. Pour l’heure, ce sont 20 millions qui n’existent pas, du fait de n’avoir pas été déclarés à l’état civil. Les jeunes sont confrontés à la non-scolarisation, au mariage et aux grossesses précoces. « Cela empêche la réalisation de leur potentiel et à terme les chances de recueillir les dividendes démographiques », a-t-elle ajouté. Si cette attente n’est pas satisfaite, « les enfants sans identité légale deviendront des jeunes confrontés à des défis constants dans leur vie quotidienne. Ils seront susceptibles de rater des opportunités sur l’éducation, la santé, l’emploi, la participation à la politique et la liberté de mouvement ». Quant aux filles, « elles seront piégées dans un cycle de pauvreté et, de ce fait, plus vulnérables aux travaux forcés ».

L’UNFPA sur le terrain en Côte d’Ivoire depuis 1990 
Au cours d’un entretien, M. André Mayouya, ancien représentant-résident de l’UNFPA, est revenu sur l’historique de l’action de l’UNFPA en matière d’état civil en Côte d’Ivoire. L’agence avait diagnostiqué les faiblesses du système d’enregistrement des faits d’état civil et élaboré dans les années 90 un projet pour son amélioration portant sur la sensibilisation de la population à la nécessité de doter chaque enfant d’un acte d’état civil et de déclarer les décès. L’état civil faisait alors face à des difficultés : le personnel n’était pas bien formé ; le système était mal répandu à travers le pays et il souffrait de manque de documents, notamment les actes et registres d’état civil, surtout en milieu rural. Ce projet n’avait pas pu démarrer en raison de problèmes socio-politiques selon lui. « Nous espérons que la Côte d’Ivoire va profiter de tout ce qui a été fait auparavant et bénéficier de nouvelles stratégies pour aller vers l’amélioration de son système d’état civil », a-t-il souhaité.

Avec la contribution de Marcelline Gneproust, journaliste