La pandémie de Covid-19 a mis à l’épreuve les systèmes de santé et révélé leurs fragilités. Les progrès accomplis au cours des dernières années ont parfois été effacés. Dans le domaine de la santé maternelle et infantile, les données récentes publiées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pointent d’importantes insuffisances, en particulier en Afrique de l’Ouest. Adam Ahmat, responsable du département des ressources humaines pour la santé au bureau africain de l’OMS, revient sur les défis que doivent relever les gouvernements pour garantir un bon accès aux soins maternels et infantiles.
Quelle est la situation de la santé maternelle et infantile en Afrique de l’Ouest ?
Comme dans d’autres régions du continent, des progrès existent, mais ils sont lents. Et parmi les causes, la pénurie de personnels de santé qualifiés est une donnée majeure. Si l’on considère l’ensemble des agents, en excluant les administrateurs de santé et le personnel d’appui, la densité moyenne de personnels de santé en Afrique était de 29 pour 10 000 habitants en 2018. La cible fixée à l’horizon 2030 par les Objectifs de développement durable (ODD) est de 134. On en est très loin. Il est difficile de se prononcer sur les personnels exclusivement dédiés à la santé de la reproduction en tant que tels. Mais si on considère, selon les recommandations de l’OMS, qu’il faudrait disposer de 44,5 médecins, infirmiers et sages-femmes pour 10 000 habitants, des augmentations massives des effectifs de personnels de santé s’avèrent nécessaires.
Quels sont les métiers qui souffrent le plus de ce manque ?
Les pénuries de ressources humaines sont liées aux modèles de soins en vigueur dans les pays, pour répondre d’abord aux soins de santé primaires des groupes vulnérables. Le plus souvent, ce sont les sages-femmes – professionnelles, assistantes et aides accoucheuses – qui s’occupent du suivi de la grossesse et des accouchements. Mais les accouchements normaux peuvent vite devenir dangereux, car ces personnels de santé sont souvent démunis quand surviennent les complications. C’est à ce moment que doivent intervenir les spécialistes : obstétriciens, gynécologues, pédiatres et chirurgiens pédiatres. Mais ces derniers sont très rares, surtout en zone rurale.
Cette situation est-elle consécutive d’un problème de formation ou de manque de moyens pour recruter ?
Les raisons des pénuries sont multiples et variées. Beaucoup de pays de la sous-région ont une capacité insuffisante pour former plus de personnels de santé dans toutes les disciplines requises. Il manque des enseignants qualifiés, des infrastructures, des équipements et des sites de formation. A cela s’ajoute la question de l’inadéquation entre la formation et les emplois demandés. La conséquence est que les pays n’absorbent pas toujours leurs diplômés. Un autre aspect non négligeable à prendre en compte est la migration des professionnels de santé expérimentés et qualifiés vers les pays développés. Quand on les envoie se spécialiser en France par exemple, une fois qu’ils ont leur diplôme, certains ne reviennent pas au pays. Au Niger par exemple, le besoin est criant.
Pour quelles raisons prônez-vous un recrutement décentralisé des personnels de soins ?
On a observé dans plusieurs pays que les gouvernements ont procédé à des recrutements massifs d’agents de santé. C’est une bonne chose. Mais le principal défi réside dans leur déploiement dans les zones reculées ou difficiles d’accès, où les besoins sont très importants. Des recrutements décentralisés, avec des quotas prédéfinis, peuvent répondre à ces défis. Cette option nécessite également une stratégie de fidélisation des agents de santé dans ces milieux.[…]
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Cet article a été réalisé en partenariat avec le Fonds français Muskoka.