J’ai eu mal toute la nuit, et ce n’est que le matin que mes parents ont trouvé une charrette pour me transporter au centre de santé intégré de Kolgo. Rakia.
C’est ainsi que s’exprimait Rakia, que nous avons rencontrée après son intervention au Centre National de Référence pour la Réparation de la Fistule Obstétricale à Niamey, au Niger.
Son large sourire et son jeune âge, peinent à masquer le calvaire qu’elle a enduré. À seulement 25 ans, Rakia avait déjà accouché six fois, mais seuls trois de ses enfants ont survécu. Son dernier accouchement a été particulièrement difficile. Elle a passé toute la première nuit de son travail à la maison, souffrant intensément. Ce n’est qu’au matin que sa famille a pu trouver une charrette tirée par un âne pour l’emmener au centre de santé, où elle est arrivée en fin de matinée.
Pensant que ses souffrances touchaient à leur fin, elle a vite déchanté : le centre de santé l’a référée à un hôpital de district à Doutchi pour des soins plus appropriés. Après plus de 24 heures de travail et de douleurs, Rakia a finalement accouché… d’un enfant déjà décédé avant son arrivée à l’hôpital. À cette douleur s’est ajoutée une autre : elle a constaté qu’elle ne contrôlait plus ses urines.
Une prise en charge salvatrice
Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Je tentais de le cacher en me lavant constamment, ainsi que mes habits, mais cela ne pouvait pas durer. Rakia
Au centre de santé, le diagnostic est tombé : fistule obstétricale. Il s'agit d’une lésion liée à un accouchement prolongé et obstrué, fréquente chez les femmes qui n’ont pas accès à des soins médicaux de qualité en temps opportun. Au Niger, des milliers de femmes et de jeunes filles vivent une situation similaire à celle de Rakia.
On estime qu’environ 700 à 750 nouveaux cas de fistules obstétricales apparaissent chaque année dans le pays.Deux mois après son accouchement, Rakia a été orientée vers la ville de Niamey, située à plus de 600 kilomètres de son village.
Au Centre National de Référence de la Fistule Obstétricale (CNRFO), elle a subi deux interventions chirurgicales avant que l’écoulement d’urine ne cesse. Aujourd’hui, Rakia rayonne de joie. Elle sait qu’elle est enfin au bout de ses peines.
Le Centre National de Référence de la Fistule Obstétricale : un modèle de réussite
Rakia a pu retrouver la santé grâce au Centre National de Réparation des Fistules Obstétricales (CNRFO), une structure spécialisée dans le traitement de la fistule obstétricale. Créé en 2013, ce centre situé à Niamey prend en charge en moyenne 150 cas par an. Il assure non seulement des soins médicaux, mais également la réinsertion socio-économique des survivantes de la fistule obstétricale.
Pour le Dr Abdoulaye Idrissa, directeur du centre et chirurgien principal, la proximité avec les patientes est essentielle. Chaque jour, il rend visite aux femmes opérées ou en attente d’intervention. En moyenne, une centaine de femmes résident quotidiennement dans le centre. Beaucoup d’entre elles ont été rejetées par leur entourage, mais ici, elles retrouvent un sentiment de dignité, d’acceptation et d’espoir.
Le taux de succès des interventions chirurgicales de la fistule obstétricale dans le centre dépasse les 80 %, ce qui fait de cette structure un pilier de la réponse nationale à cette maladie invalidante.
Le Niger a fait le choix stratégique de doter le pays d’un centre exclusivement dédié à la fistule obstétricale. L’État fournit le personnel nécessaire et assure le fonctionnement global de la structure. Le centre bénéficie également du soutien de l’UNFPA et du financement de la République fédérale d’Allemagne et de la Confédération Suisse. Les soins médicaux, l’hébergement, l’alimentation et les frais chirurgicaux y sont entièrement pris en charge.
La réalité de la fistule obstétricale au Niger
Au Niger, les femmes ont en moyenne 6,2 enfants (chiffres de 2021). Comme Rakia, elles débutent souvent leur maternité très tôt, dans un contexte où le mariage précoce est largement répandu : 29 % des filles sont mariées avant 15 ans et 65 % avant 18 ans. Ces jeunes filles deviennent mères alors que leur corps n’est pas encore prêt à supporter une grossesse.
Pour faire face à cette situation, l’UNFPA appuie des programmes de communication pour le changement social et comportemental, visant à améliorer l’égalité de genre, la lutte contre les mariages d’enfants, l’accès à la contraception, et la fréquentation des services de santé. Ces efforts contribuent à prévenir de nouveaux cas de fistule obstétricale et à améliorer la santé reproductive des femmes nigériennes.