Il y a vingt ans, en 1994, la communauté internationale s'est réunie au Caire pour examiner comment le monde évoluait et la façon dont ces changements affectaient les populations les plus vulnérables. A cette réunion, la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), le monde a convenu que les questions de population - y compris la planification familiale volontaire, la mortalité maternelle et infantile, la migration et l'égalité des sexes – ne se limitent pas seulement à compter des personnes mais à faire en sorte que chaque personne compte.
Lors de la conférence, 179 gouvernements ont signé le Programme d’action de la CIPD qui reconnaît que les femmes, leurs droits et l'égalité sont des priorités mondiales de développement. Les gouvernements se sont engagés à : fournir un accès universel à la planification familiale volontaire ainsi qu’aux services et droits en matière de santé sexuelle et reproductive; réaliser l'égalité des sexes et l'égalité d'accès à l'éducation; s’occuper des effets de l'urbanisation et de la migration et soutenir le développement durable.
Aujourd'hui, le monde est très différent, transformé par la révolution numérique et les progrès de la médecine et du savoir humain. Mais a-t-il a changé de la façon dont nous l’espérions?
L’UNFPA mène ci-dessous une réflexion sur certains aspects majeurs des changements de notre monde, et sur ce qu’il faut faire de plus.
1. Le monde actuel a la plus grande génération de jeunes ayant jamais existée
Les adolescents et les jeunes, ceux qui ont entre 10 et 24 ans, représentaient 28 pour cent de la population mondiale en 2010. Le monde doit investir dans les besoins et les droits de ce groupe, en soutenant leur accès à des soins de santé et à une éducation de qualité, à des possibilités de travail rémunéré, et en en les libérant des mauvais traitements tels que les mariage et les grossesse précoces.
2. La proportion de personnes vivant dans l'extrême pauvreté a été réduite de près de la moitié - mais l'inégalité économique s’accroît.
La proportion de personnes vivant avec moins de 1,25 dollar US par jour a diminué de 47 pour cent en 1990 à 22 pour cent en 2010. Mais l'inégalité croissante pourrait saper ces gains.
Aujourd'hui, 8 pour cent de la population mondiale possède 82 pour cent de la richesse mondiale et plus d'un milliard de personnes continuent de vivre dans l'extrême pauvreté, sans accès à la protection sociale, un travail significatif, ou les services publics de santé ou d'éducation. Les gains réalisés au cours des 20 dernières années ne peuvent pas être maintenus si nous ne nous combattons pas les inégalités.
3. Au cours des 20 dernières années, la population mondiale a augmenté d'environ un quart, passant de 5,66 milliards à 7,24 milliards
Chacun des 7,2 milliards d’habitants de la planète - et chaque personne à naître - mérite le respect et la protection de ses droits humains et de sa dignité. Cela implique d'assurer l'égalité des droits des femmes et l'accès universel aux droits en matière de sexualité et de reproduction.
Il y a vingt ans, la population augmentait de 1,52 pour cent par an. Aujourd'hui, elle croît de 1,15 pour cent par an. Sur la trajectoire actuelle, on peut s’attendre à ce que la population mondiale atteigne 9,55 milliards en 2050. La croissance de la population a ralenti parce que ...
En 1994, une femme avait en moyenne environ trois enfants. Aujourd'hui, le taux de fécondité est d'environ 2,5 enfants par femme. La baisse de la fécondité signifie de meilleures possibilités pour les femmes, étant donné que la maternité multiplie les chances d’une femme de mourir de complications pendant la grossesse ou l'accouchement.
Mais les taux de fécondité demeurent élevés dans certains des endroits les plus pauvres du monde. Dans 18 pays, le taux de fécondité est de cinq enfants ou plus par femme.
6. La maternité chez les adolescentes a baissé de 50 pour cent ou plus dans de nombreux pays
Le taux de fécondité des adolescentes a diminué, mais il doit baisser davantage. Chaque jour, 20 000 jeunes filles de moins de 18 ans donnent naissance dans les pays en développement. Et chaque année, 70 000 adolescentes meurent de complications liées à la grossesse et à l’accouchement.
7. L'utilisation des contraceptifs a augmenté dans les deux dernières décennies - mais pas assez
La plupart des femmes disent qu'elles veulent avoir entre deux et quatre enfants. Les contraceptifs modernes et sûrs et les services de planification familiale aident les femmes à atteindre ces objectifs par la prévention des grossesses non désirées.
Mais entre 2008 et 2012, la proportion de femmes mariées dans le monde en développement qui utilisent des contraceptifs modernes a seulement évolué de 56 pour cent à 57 pour cent. Environ 222 millions de femmes n'ont pas accès à la contraception moderne ou aux services de planification familiale.
8. Les décès maternels ont baissé de près de la moitié
Les décès liés à des complications pendant la grossesse et l'accouchement ont diminué de 47 pour cent depuis 1994. À l'époque, il y avait plus d'un demi-million de décès par an.
Mais il faut faire plus. Aujourd'hui, 800 décès maternels se produisent tous les jours, et les principales causes - l'hémorragie post-partum, la septicémie, la dystocie, les complications de l'avortement à risque, et de l'hypertension - sont toutes évitables.
La mort d’enfants de moins de cinq ans a chuté de 90 pour 1000 naissances vivantes en 1990 à 48 pour 1000 naissances vivantes en 2012. Un des principaux facteurs ayant contribué à cette baisse est la scolarisation accrue des femmes et des filles. Lorsque les femmes et les filles sont instruites, elles ont la capacité de faire de meilleurs choix pour elles-mêmes et leurs familles. L'éducation des filles est liée à des taux plus faibles de mariage des enfants, une baisse des taux de grossesse chez les adolescentes et un accès accru aux soins de santé maternelle et infantile, autant de domaines qui améliorent la survie de l’enfant.
10. Le nombre de naissances survenues sous la garde d'une personne qualifiée - un médecin, une sage-femme ou une infirmière - a augmenté
La proportion d'accouchements assistés par un personnel de santé qualifié a augmenté dans les pays en développement, passant de 56 pour cent en 1990 à 67 pour cent en 2011. L’accouchement par un personnel de santé qualifié est l'un des moyens les plus importants d’assurer un accouchement sûr pour la mère et l'enfant. Cela, ajouté à un accès accru aux soins prénataux, aux soins obstétricaux d'urgence et aux services de planification familiale, contribue en grande partie à la baisse des décès maternels.
11. A travers le monde, l'espérance de vie a augmenté de 5,2 ans
L'espérance de vie a augmenté, passant de 64,8 ans en 1990-1995 à 70 ans en 2010-2015. Les plus fortes hausses ont été notées dans les pays les moins avancés, où l'espérance de vie a augmentée de 8,9 ans.
Pourtant, trop de femmes à travers le monde continuent de mourir tôt - souvent de causes liées à la grossesse ou l'extrême pauvreté - en raison de leur statut inférieur.
Globalement, les taux d'avortement ont diminué, passant de 35 pour 1 000 femmes en 1995 à 29 pour 1000 femmes en 2008. Le nombre total d'avortements a ainsi été réduit, malgré l'augmentation de la taille de la population.
Mais l'amélioration de l'accès aux services de santé sexuelle et reproductive réduirait ces chiffres encore plus loin. Répondre aux besoins non satisfaits en planification familiale permettrait d'éviter 54 millions de grossesses non désirées et d’obtenir 26 millions en moins.
13. Le nombre de personnes ayant contracté le VIH / Sida a fortement diminué
Les nouvelles infections à VIH ont diminué de 33 pour cent entre 2001 et 2012. Malgré ces progrès, beaucoup peut encore être fait pour prévenir la propagation de cette maladie, en particulier chez les jeunes. En 2009, 41 pour cent des nouvelles infections à VIH étaient parmi les jeunes âgés de 15 à 24. Une éducation complète en matière de sexualité adaptée à l'âge aide les jeunes à se protéger contre les IST y compris le VIH.
14. Mais une augmentation significative des principales infections sexuellement transmises (IST)guérissables a été notée
L’incidence des quatre principales IST guérissables - la syphilis, la gonorrhée, la chlamydia et la trichomoniase - a augmenté de 333 millions de cas en 1995 à 499 millions de cas en 2008 chez les personnes âgées de 15 à 49 ans. Cette évolution souligne l'importance de doter les jeunes des connaissances et des services de santé sexuelle et reproductive nécessaires pour qu’ils restent en bonne santé.
15. Plus de gens meurent de maladies non transmissibles
Les décès dus aux maladies non transmissibles comme les maladies cardiaques, le cancer, le diabète et les maladies respiratoires chroniques ont augmenté de 30 pour cent entre 1990 et 2010. La plupart de ces maladies sont fortement associées aux quatre comportements néfastes qui commencent souvent à l'adolescence: tabagisme, abus d'alcool, inactivité et mauvaise alimentation.
Les adolescents doivent avoir les outils nécessaires pour se protéger contre ces maladies et d'autres maux. L’éducation à la santé tout au long de la vie devrait commencer avec les jeunes, de concert avec une éducation complète en matière de sexualité.
16. Plus d’enfants que jamais sont scolarisés – en particulier au niveau des filles
Les taux de scolarisation dans le primaire ont bondi de près de trois quarts en 1990 à environ 90 pour cent en 2010. Il s'agit d'une grande victoire pour les filles qui ont acquis la parité en matière de scolarisation dans le primaire dans une majorité de pays. Les filles qui ont accès à l'éducation sont mieux à même d'éviter les grossesses chez les adolescentes et d'accéder à des soins de santé et à des opportunités d'existence. Elles et leurs futures familles sont en meilleure santé et plus susceptibles de sortir de la pauvreté.
Mais les inégalités entre les sexes persistent dans l'éducation, les filles étant en retard dans l’enseignement secondaire par rapport aux garçons.
La population urbaine mondiale a augmenté de 1,6 milliard entre 1994 et 2014. Plus de la moitié de la population mondiale vit aujourd'hui dans des villes.
Mais la plus grande partie de cette croissance a lieu dans les bidonvilles. Plus de 650 millions de personnes vivaient dans des bidonvilles en 1990. En 2010, ce nombre était de 820 millions. Les femmes et les filles des zones urbaines pauvres sont particulièrement vulnérables: elles sont moins susceptibles d'avoir accès aux services de santé reproductive, à l'éducation et à la sécurité.
Il y a plus de migrants internationaux que jamais auparavant. En 1990, 154 millions de personnes ont voyagé de leur pays d'origine à la recherche de nouvelles opportunités. En 2013, ce nombre était de 232 millions.
La migration offre d'importantes possibilités et contribue au développement. Mais elle peut aussi laisser les migrants - en particulier les femmes et les filles - exposés à des mauvais traitements comme le trafic d’êtres humains, l'exploitation et la discrimination.
Les personnes âgées – les plus de 60 ans - sont le groupe d'âge qui augmente le plus rapidement. Le nombre de personnes âgées a augmenté de 490 millions en 1990 à 765 millions en 2010.
Le monde doit faire plus pour répondre aux besoins de ce groupe, y compris par des protections et systèmes sociaux qui garantissent leur sécurité et leur participation significative dans la société.
20. Un nombre record de personnes sont déplacées dans leur propre pays par les conflits ou la violence, les femmes et les filles en nombre disproportionné parmi les victimes
La violence sexiste est souvent exacerbée par les conflits et les déplacements; les protections n’existent plus et la violence sexuelle est utilisée comme arme de guerre. Il y a vingt ans, le monde a vu un nombre record de personnes déplacées par les conflits armés à l'intérieur des frontières de leur pays. Mais les chiffres d'aujourd'hui sont encore plus élevés: en 2012, 28,8 millions de personnes ont été déplacées à cause de conflit, de violence ou de violations des droits humains. En outre, on estime que 15,4 millions de personnes ont été forcées de fuir leur pays comme réfugiés.
Et il existe beaucoup plus de façons dont le monde n'a pas suffisamment changé.
Les mutilations génitales féminines/excision (MGF/E) et le mariage des enfants continuent dans la plupart des pays, même dans ceux où ces pratiques ont été interdites. Chaque année, 3 millions de filles, la plupart ayant moins de 15 ans, risquent de subir le MGF/E. Et si les tendances actuelles se poursuivent un surcroît de 142 millions de filles seront mariées avant 18 ans d'ici 2020.
La violence sexiste continue d'être une épidémie mondiale. On estime qu'une femme sur trois déclare avoir subi un mauvais traitement physique ou sexuel, le plus souvent par un partenaire intime. Et dans un récent sondage auprès 10 000 hommes en Asie et au Pacifique, un sur quatre hommes ont indiqué avoir commis un viol.
La discrimination à l'égard des femmes continue dans toutes les sociétés dans le monde, et la croyance en l'égalité des sexes n'est pas encore universelle. Les femmes se voient encore refuser l'égalité des chances et la possibilité de déterminer le sens de leur vie.
Cette semaine, la Commission des Nations Unies sur la population et le développement tient sa 47e session pour aborder bon nombre de ces questions, l'examen des progrès réalisés et le travail important qui reste à faire. Comme les 20 dernières années l’ont démontré, les droits humains - en particulier les ceux des femmes et des filles - doivent être placés au cœur du développement mondial.