NATIONS UNIES, New York, 22 septembre 2014 – «Grâce à des investissements importants dans l'éducation des jeunes filles, la santé sexuelle et reproductive des jeunes et des adolescents, ainsi que l'autonomisation des femmes dans nos pays, nous changerons le visage du Sahel», a affirmé aujourd’hui aux Nations Unies, le président Idriss Déby Itno du Tchad, à l'occasion d’un panel de haut niveau sur le potentiel des jeunes à stimuler la croissance économique dans la région du Sahel en Afrique.
Ce n’est qu’en investissant dans les compétences et les droits des jeunes, en particulier des adolescentes, que la région peut tirer profit du dividende démographique, une bonne occasion pour améliorer les moyens de subsistance et le niveau de vie, ont indiqué les dirigeants présents.
Un dividende démographique se produit lorsque la baisse du taux de fécondité entraîne l’apparition d’une population en âge de travailler importante avec moins de personnes à charge et, par conséquent, des revenus plus importants pour les ménages. Les dividendes démographiques ont joué un rôle majeur dans l'ascension économique des pays asiatiques tels que la Corée et l'Inde entre les années 1960 et les années 2000.
Avec la population qui augmente le plus rapidement et la plus jeune, l'Afrique est actuellement sur le point de récolter les mêmes avantages, selon le panel comprenant le Président Déby, le Président de la Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara, le Président du Niger Mahamadou Issoufou, le Directeur exécutif de l’UNFPA, Dr Babatunde Osotimehin, le Vice-président du groupe de la Banque mondiale, Makhtar Diop et Melinda Gates, co-fondatrice de la Fondation Bill & Melinda Gates.
Cependant le dividende n’est pas automatique. Il nécessite une main-d'œuvre instruite, en bonne santé et ayant accès à des emplois décents. Cela signifie des investissements dans la santé, les droits et les compétences des jeunes, en particulier des adolescentes dont un grand nombre reste marginalisé dans le Sahel et le reste du monde.
«Nous avons la preuve que la transition démographique pourra se produire en une génération », a dit Mme Gates, «mais cela n’arrivera que ni nous investissons de façon substantielle», a-t-elle ajouté.
Les filles et les femmes à la traîne
Malheureusement, c’est là où ces investissements sont hautement essentiels qu’il est le plus difficile de les réaliser, comme au Sahel.
Bien que la région ait connu une croissance économique et la baisse du taux de mortalité infantile, la pauvreté domine et peu d’opportunités se présentent. Pratiquement la moitié de la population vit avec moins de 1,25 dollar par jour, et le taux de fécondité est parmi les plus élevés du monde.
Les conditions sont particulièrement dures pour les femmes et les filles. Trop peu de filles fréquentent l'école secondaire et le mariage des enfants est toléré au sein de nombreuses communautés, ce qui contribue à des taux plus élevés de grossesses chez les adolescentes et de mortalité maternelle.
Des investissements essent iels
Les prochaines étapes sont clairement définies : l'éducation pour tous, la santé et les droits sexuels et de la reproduction et l'égalité des sexe sont reconnus comme des facteurs qui facilitent la productivité économique des jeunes tout en favorisant leur sécurité, dignité et qualité de vie.
«Le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad sont des pays qui ont commencé la transition démographique et le soutien international peut les aider à accélérer le processus», a déclaré Dr Osotimehin au panel. «Ces pays ont déjà enregistré des progrès remarquables dans la réduction de la mortalité infantile. Nous allons maintenant travailler à réduire la mortalité maternelle, le mariage des enfants et les besoins non satisfaits en matière de planification familiale».
Et d’ajouter : «Il est établi que la planification familiale peut et doit jouer un plus grand rôle dans le développement au Sahel. Les retours sur investissement sont énormes: moins de décès maternels et infantiles, des économies par rapport au coût des soins de santé, et l'accélération de la transition démographique afin de récolter un dividende et une plus forte croissance économique inclusive».
«La planification familiale permet à ce cercle vertueux de se produire», a souligné Mme Gates. «En investissant dans la femme, en la mettant au centre, vous provoquez le changement d’abord au niveau du village, ensuite au niveau de l'économie entière d'un pays», a-t-elle fait savoir.
Et l'éducation des filles ne doit pas être négligée, a ajouté le Président Issoufou. «Nous devons garder nos filles à l'école aussi longtemps que possible, y compris par l'octroi de bourses aux filles les plus pauvres et à leur famille ».
Agir
La Banque mondiale et l’UNFPA, à travers le Projet d’autonomisation des femmes et de dividende démographique du Sahel, financé à hauteur de 200 millions de dollars, aideront à améliorer l'accès à la santé sexuelle et de la reproduction, en particulier la planification familiale volontaire et la santé maternelle. Le projet permettra également d'améliorer la santé et la nutrition des enfants, de renforcer l'éducation des filles et de travailler à l’élimination du mariage des enfants.
Ces efforts impliquent des partenariats étroits avec les gouvernements, ainsi qu'avec d'autres agences des Nations Unies, des organisations non gouvernementales et des communautés.
D'autres changements sont également nécessaires. «Les politiques et les investissements sont nécessaires à court terme», peut-on lire dans une déclaration de l'Institut Bill & Melinda Gates pour la population et la santé de la reproduction et de l'École de santé publique Bloomberg de Johns Hopkins, déclaration signée par des experts et des économistes en santé publique du monde entier.
«Saisir le moment opportun est essentiel», a indiqué le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, dans une déclaration vidéo projetée lors du débat. «C’est maintenant et pendant les 15 prochaines années que s’ouvre pour le Sahel la meilleure fenêtre d’opportunité ... Nous ne pouvons pas rater cette occasion historique de transformer la région».
La session, organisée par le Groupe de la Banque mondiale et l’UNFPA, a eu lieu lors de la 69ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies. Elle a été retransmise en direct sur Internet, avec des questions venant du monde entier via les médias sociaux. La discussion a été modérée par la journaliste Femi Oke.