La région Afrique de l’Ouest et du Centre du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) est connue pour ses taux élevés de fécondité, de mortalité maternelle et infantile par conséquence elle est à la traîne lorsqu’il s’agit de taux de prévalence contraceptive (7% en Afrique centrale, 9% en Afrique de l'Ouest) et du nombre d’accoucheurs qualifiées entre autres. Dans une interview accordée à Ayenew Haileselassie, le directeur régional de l’UNFPA BRAOC, le Dr Benoit Kalasa, souligne comment son bureau travaille avec les gouvernements et les partenaires à les aider à avoir des impacts efficaces dans le but de renverser les tendances constatées étant donné qu’un programme de planification familiale "efficace est un véritable investissement pour le développement."
L'interview a été faite à la fin de la 3e Conférence internationale sur la planification familiale qui s’est tenue du 12 au 15 novembre 2013 à Addis-Abeba, en Ethiopie.
Q. Quel est le contexte politique dans la région en matière de planification familiale et de santé sexuelle et reproductive?
R. En fait, comme nous l'avons vu lors de l’examen continental de la CIPD, la plupart des pays ont des politiques et programmes qui prévoient la disponibilité des informations et services de santé sexuelle et reproductive, y compris la planification familiale. Donc, c'est quelque chose que les gouvernements ont inclus dans leurs programmes de santé. Mais maintenant, ce dont nous discutons ici, c'est quelle est l’étendue ,le contenu et la qualité des programmes existants au profit des qu’ils bénéficient filles et des femmes? C'est la question que nous devrons aborder?
Q. Alors, que pensez-vous de cette question?
R. De notre point de vue, en tant que Fonds des Nations Unies pour la population et en tant que bureau régional, nous abordons cela à travers différents angles. Le premier angle c’est que l’Afrique de l’Ouest et du Centre a les plus bas indicateurs en termes de taux de prévalence contraceptive et d’accoucheurs qualifiées. Donc, nous essayons de réaffirmer le leadership politique. C'est pourquoi pour cette conférence, UNFPA a sélectionné certains gouvernements pour que leurs ministres et personnel technique viennent voir ce que l'Éthiopie réalise dans ce domaine. Nous leur avons organisé une visite de terrain, mais aussi cette conférence est une opportunité pour qu’ils profitent des différentes présentations, les échanges de couloir, se renseignent sur ce que les autres pays font et quels en sont les gains pour leur population.
Q. Quelles sont les principales raisons de la faible prévalence contraceptive dans la région?
R. Il existe plusieurs raisons. Encore une fois, si nous considérons la planification familiale comme un droit humain fondamental pour les filles et les femmes, et comme une question de dignité, alors c’est au principal responsable, c’est-à-dire au gouvernement, la communauté, de prendre des dispositions à cet égard. Il y a une variation de l'engagement politique sur la question. C'est l'une des raisons. La volonté existe mais la mise en œuvre ne suit pas. Nous devons donc travailler sous cet angle.
"... Nous devons travailler sur la mise en œuvre de l'engagement politique envers la planification familiale, régler le problème de l'offre et de la demande en produits de la santé de la reproduction; Et puis travailler sur les facteurs sociaux et culturels qui peuvent empêcher la demande," Dr Kalasa
Deuxièmement, c’est l'offre. Les produits sont-ils disponibles? Avons-nous les bonnes informations à fournir, pour atteindre les jeunes filles. Comme nous le disons, le groupe oublié, c'est la tranche d’âge 10-14. Avons-nous des informations quelque peu appropriées, adaptées à la culture, pour demander aux jeunes filles de parler de leur corps. C'est une autre chose à prendre en compte. Et c'est pourquoi une grande partie de notre travail consiste à acheter des produits de la santé de la reproduction, travailler avec les gouvernements pour stocker ces produits, et ensuite de les distribuer ; et de s'assurer que nous avons une application qui enregistre l'information, c’est le système d'information de la gestion de la logistique , et renforcer les capacités dans ces domaines. Donc, nous fournissons, nous finançons, nous faisons le plaidoyer pour amener d'autres partenaires à bord. L’offre est le deuxième aspect.
Maintenant, l’autre aspect c’est la demande même. Les femmes demandent-elles les produits ? Quels sont les facteurs qui empêchent les femmes ou les jeunes filles d’accéder à l'information et aux services? Et après cela, nous devons faire face aux barrières sociales qui les en empêchent qu'elles soient culturelles, religieuses;ou bien le relationnel entre les hommes et les femmes, les garçons et les filles. C'est pourquoi nous disons qu'il faut impliquer les hommes et les garçons. Nous voyons ici et là des exemples réels de transformation sociale dans certains pays. Nous avons l'exemple du Niger, où nous avons l'Ecole des maris - où les hommes sont impliqués, ils se font maintenant les défenseures pour maintenir leurs filles à l'école et ne pas se marier, lutter contre le mariage précoce, que leurs femmes aient accès à la planification familiale; qu’elles aient accès aux services de santé pour l’accouchement.
Ce sont les changements auxquels nous assistons non seulement au Niger, mais aussi dans d'autres pays. Le gouvernement de la Sierra Leone, le président, la première dame ont mis en place une Stratégie nationale contre les grossesses chez les adolescentes. C'est de la volonté politique. Il faut de la volonté politique, il faut aborder la partie de l'offre ; répondre à la demande. Et puis il faut travailler sur ces facteurs sociaux, culturels qui peuvent empêcher la demande.
Q. Quelle est la gravité du problème lié à la planification familiale et aux questions sexuelles et reproductives?
R. Je ne vais pas parler de « gravité ». Nous disons simplement que nous devons travailler plus dur pour le rendre plus visible sur le programme national de développement, au-delà du secteur de la santé, et que ces questions soient vues comme un véritable investissement pour le développement auquel tout le monde peut profiter du moment où nous avons un programme de planification familiale efficace. Il n'y a pas de gravité, il y a juste une nécessité d'agencement. Nous devons agir rapidement pour accroître et atteindre le groupe cible.
Q. Des ministres d'autres pays étaient présents. Pensez-vous qu'ils repartiront avec certains enseignements et un engagement politique plus fort?
R. Certainement. Lorsque nous avons organisé la visite de terrain lundi matin, certains des ministres n’étaient pas encore arrivés à Addis-Abeba. Mais quand ils ont eu l’écho de la visite de terrain hier (mardi), ils me demandaient d'organiser une autre visite pour qu’ils aillent voir ce qu'ils croyaient ne fonctionnerait pas dans leur pays. Maintenant, ils l’ont vu et ils disent, si ça marche ici, nous pouvons aussi le faire. Personnellement je crois que c'est quelque chose dont ils vont discuter avec leur personnel technique et commencer à travailler dessus. Donc, pas de doute à ce sujet ; 100%.
Q. Qu’est-ce-qui rend vraiment l'expérience éthiopienne différente, et un modèle pour les autres?
R. J'ai parlé de cela aujourd'hui lors de la session plénière, où j'étais assis avec le ministre éthiopien des finances et du développement économique, le ministre de la Santé, le représentant pays de la Fondation Packard et en tant que partenaire, ce que j'ai vu, c'est avant tout une appropriation nationale. Cela vient en premier lieu. Et l'appropriation nationale est soutenue par ce que j'ai appelé et je décris comme un leadership collectif et connecté. Ce leadership nous le trouvons non seulement au niveau politique, au sein du ministère de la Santé, mais des techniciens au sein du ministère, au niveau régional, à l'hôpital, au centre de santé, au poste de santé, mais aussi les agents de vulgarisation sanitaire, les femmes de l'armée pour le développement de la santé . Vous avez cette chaîne de leadership, la propriété collective et l'engagement. Je pense que c'est ce dont nous avons besoin.
Q. De telles structures n’existent-ils pas dans d'autres pays ?
R. C’est possible mais elles doivent être efficaces. Donc, ici, nous parlons une fois de plus de l'efficacité de la structure en place, de l'efficience de cette structure.
Q. Hier, le ministre éthiopien de la Santé a déclaré que l'une des raisons du succès de l'Éthiopie a été le soutien sans précédent des partenaires. Existent-ils de partenaires semblables dans d'autres pays pour assurer l'approvisionnement des produits?
R. Les mêmes partenaires sont présents en Ethiopie et dans d'autres pays. La différence est, encore une fois, si vous travaillez dans un environnement où les politiques, les programmes et l'engagement sont là en tant que partenaire il vous suffit de suivre la Déclaration de Paris. Vous vous coordonnez. En Ethiopie, nous avons le groupe de partenaires en santé, population et nutrition (Health Population and Nutrition-HPN group), dans d'autres pays, nous avons des partenaires au développement pour la santé. Mais la façon dont nous fonctionnons ici est différente. C'est juste la façon dont la relation se construit et est utilisé par le gouvernement.