Le chômage est un problème majeur en Afrique. Selon la Banque mondiale, les jeunes représentent 60 % de tous les chômeurs. Pour beaucoup, cette «bombe à retardement » doit être transformée en opportunité de développement en impliquant non seulement les gouvernements à travers des politiques adaptées mais aussi la société civile, le secteur privé et les jeunes eux-mêmes. Quelques jeunes participants rencontrés au 4e sommet panafricain des jeunes leaders, organisé du 13 au 17 janvier à Dakar, au Sénégal par le réseau africain des jeunes leaders des Nations Unies, ROJALNU, se sont exprimés sur la question.
L'OIT estime que sur 75 millions de jeunes chômeurs dans le monde, 38 millions vivent en Afrique, soit un taux moyen de 10,3% sur le continent. Le chômage est un handicap au droit humain et un handicap au développement personnel. Le thème du 4ème sommet panafricain des jeunes leaders interpelle les dirigeants africains et la communauté internationale parce qu’un certain nombre de programmes comme le programme décennal pour le développement de la jeunesse souffrent de non mise en œuvre et de manque de moyens ; la Charte africaine de la jeunesse qui prend cette question en compte n’est pas non plus appliquée. Ces documents placent les jeunes au centre.
Aujourd’hui, nous développons un plaidoyer pour changer la donne. Le chômage des jeunes est la conséquence de beaucoup de choses. Par exemple la crise au nord du Mali n’est pas seulement identitaire, mais aussi un problème d’emploi. Les islamistes se sont servis de la vulnérabilité des jeunes livrés à eux-mêmes pour les enrôler et les rémunérer. Donc, nous ne pouvons pas dissocier le conflit, l’instabilité et la pauvreté du chômage. Le chômage est une question transversale.
Comme solution, nos Etats doivent mettre en œuvre des systèmes éducatifs adaptés aux réalités africaines. La délinquance financière, le népotisme, le clientélisme privent les pays d’investissements durables et les jeunes de possibilités d’emploi.
La bonne gouvernance, la paix et la stabilité contribuent de façon significative au développement. Donc, il faudra faire une place aux jeunes dans la formulation des nouveaux objectifs de développement des Nations Unies. Tous les intervenants au sommet ont réaffirmé leur engagement et se sont portés volontaires pour présenter les doléances des jeunes au plus haut niveau.
Nous avons demandé au président du Sénégal, M. Macky Sall, d’être le porte-parole de la jeunesse africaine au plus haut niveau de l’Union Africaine et de l’Assemblée générale de l’Onu. Ce qu’il a accepté de faire.
Notre mécanisme de mise en œuvre c’est un plaidoyer continu au niveau national, régional, sous régional de l’Appel de Dakar. Au niveau de chaque pays, multiplier les actions en faveur de l’Appel de Dakar avec comme résultat final un objectif de développement dont le point saillant sera les jeunes.
Sénégal
M. Thierno Kandji, Représentant Sénégal de la Jeune Chambre Internationale (JCI), une Ong avec une participation active au sein de l’Onu
La JCI Sénégal compte 130 membres répartis dans quatre sections : JCI Dakar Alliance, JCI Dakar Avenir, JCI Dakar Number 1 et JCI Ziguinchor.
Nous intervenons dans le communautaire, le développement individuel, les affaires entre autres. Notre objectif est d’offrir des opportunités de développement aux jeunes en leur donnant la capacité de créer des changements positifs.
Chaque année nous concevons un programme annuel avec divers projets. En 2013 notre projet phare a été un projet de développement de la citoyenneté et du civisme « Man maye Sénégal » (Je suis le Sénégal) qui va d’ailleurs se poursuivre jusqu’en 2015.
En 2013, nous avons mené une campagne de dépistage du cancer du col de l’utérus à Mbacké, à 180km de Dakar. Plus de 200 femmes ont été dépistées. Nous recherchons toujours des fonds pour la prise en charge des dépistées. C’est pourquoi, en 2014, la campagne de dépistage prévoira le prise en chargé de femmes qui ont auront besoin. Nous irons au Fouta, au nord cette année.
Pour ce qui est du chômage, nous aidons les jeunes dans nos projets de développement personnels, la recherche d’opportunités d’affaires, la formation dans le leadership, les discours, comment concevoir et mettre en œuvre un projet, comment parler en public, le civisme, etc.
Burkina Faso
Soumaila Traoré, secrétaire chargé des droits humains à la Fédération Burkinabé des associations pour la promotion des personnes handicapées (FEBAH)
J’étais membre de l’association des jeunes étudiants handicapés ; maintenant je suis dans la fédération.
Mon handicap fait suite à un accident de train à l’âge de deux ans dont je ne me souviens pas. Je ne me suis jamais senti différent, mes parents m’ont toujours traité comme mes frères.
Je fais partie des 60 jeunes qui sont venus en voiture dans le cadre de la caravane Ouaga-Dakar pour soutenir le sommet panafricain des jeunes leaders. Nous sommes deux handicapés à avoir fait le voyage. Les jeunes du Bénin, du Niger, du Togo et de la Côte d’Ivoire ont rejoint le Burkina pour faire le voyage ensemble. Nous avons quitté Ouaga le 9 janvier à 15h40. Vingt jeunes du Mali se sont joints à nous et nous sommes arrivés à Dakar le 12 janvier à 22h00.
Les handicapés peuvent contribuer au développement.
Ghana
Clement Achim Gyimah, Point focal Afrique de l’Ouest de ROJALNU
Les données sur le chômage dont disposent les gouvernements en Afrique de l’Ouest ne reflètent pas la réalité sur le terrain ; celui-ci demeure un problème majeur pour la région.
Nombre de pays de la sous-région ont des ressources naturelles. Les gains de l’exploitation de ces ressources doivent servir à former les jeunes pour les embaucher dans ce secteur au lieu d’aller chercher des experts ailleurs.
Le cursus scolaire et les politiques de formation doivent être adaptés aux besoins du marché de l’emploi. Le capital humain doit être développé selon les besoins.
L’agriculture n’attire pas les jeunes. C’est un secteur qui fait face à beaucoup de difficultés. Par exemple, si un jeune décide de devenir agriculteur, il aura des problèmes d’engrais, des problèmes de tracteurs pour une grande production. Et même s’il avait tout ça à sa disposition, un autre problème qui se poserait à lui serait de transporter sa récolte pour être exploitée ou exportée. S’il garde sa récolte chez lui, il risque de la perdre à cause du mode de stockage inadapté. Les routes ne sont pas bonnes et même s’il arrive à acheminer sa récolte, le coût de toutes ces difficultés se reflétera nécessairement sur le prix du produit.
Un autre problème du chômage, c’est que même avec un projet, on a des problèmes de finances parce que les banques ne sont pas prêtes à prendre ce risque.
Nous devons avoir dans la sous-région ce que j’appelle « Youth Bank », un genre de pôle d’emplois qui servira à répertorier les jeunes qui cherchent de l’emploi quelle que soit leur compétence. C'est-à-dire qu’il y aura une section pour les diplômés, un autre pour ceux qui n’ont pas fini leurs études et une autre pour les jeunes en milieu rural. Les sections seront créées selon les besoins. La CEDEAO pourra s’occuper de cette agence qui renforcera la capacité des jeunes, les conseillera et les guidera dans la recherche d’emploi. Nous avons partagé l’idée avec plusieurs organisations publiques et privées pour voir la meilleure façon de le mettre en œuvre.
Burundi
Augustin Nzambimana, président pôle jeunesse de l’association pour l’Encadrement et l’assistance des Orphelins, Veufs et Veuves en détresse (AEAOVVD), Délégué permanent de « Iteka ku mphuvyi »
Mon pays compte beaucoup d’orphelins et veufs principalement à cause de la guerre, du Vih/Sida, des grossesses précoces et des mariages précoces qui se terminent souvent par un divorce, donc à l’abandon d’enfants. En 2010, les orphelins vulnérables étaient estimés à plus de 600 000.
Nous sensibilisons les populations pour qu’elles acceptent de servir de famille d’accueil à ces enfants mais beaucoup n’acceptent pas parce qu’elles doivent faire face à des difficultés.
Ces enfants vivent dans la rue et sont exposés à toutes sortes de déviations. Récemment, AEOVVD et Iteka ont récupéré 18 jeunes de 6 à 15 ans qui vivaient dans un tunnel de Bujumbura. Actuellement, seuls12 sont restés avec nous parce que les autres sont retournés à leur ancienne vie. Certains se droguent. Nous les avons placés dans un orphelinat. Ils étudient et essaient de reprendre une vie d’enfants Nous n’avons pas encore de programme de désintoxication. Nous avons un récent partenariat avec le Réseau burundais antidrogue dont le travail sera de faire un suivi psychologique des jeunes.
Nous sollicitons des terres et nous mobilisons les populations pour qu’elles cultivent ces terres pour que la récolte serve à nourrir nos populations cibles. Certaines personnes donnent de l’argent, d’autres viennent cultiver pour un certain nombre de jours. La prison centrale de Rumonge nous a donné un terrain de 4 hectares à cette fin.
Le pays à 9 millions d’habitants dont 55% sont des jeunes. Pour ce qui est de l’emploi des jeunes, le Burundi a un projet politique de l’emploi, un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté au ministère de la Jeunesse. Depuis deux ans, le ministère facilite des stages pour les chômeurs. Pour les non-diplômés la plupart des projets d’emploi ne durent pas plus de quatre mois et souvent c’est le pavage des routes.
Nous faisons le plaidoyer pour que ces jeunes soient formés en artisanat, ou à la pisciculture. Les jeunes diplômés peuvent rejoindre l’industrie de transformation.