NATIONS UNIES, New York / DEBERE TALATA, Burkina Faso - Rokiatou Youssoupha Diallo avait à peine 13 ans lorsqu’elle s’est engagée dans le mariage, en plein cœur de la zone rurale burkinabais. La pratique traditionnelle, adoptée par sa famille et par une grande partie de leur communauté, a failli hypothéquer son avenir même si elle n’était pas conçue pour lui causer du tort.
Le mariage des enfants porte atteinte aux droits et au potentiel des filles. « Il brise tout leur avenir», a déclaréeNkandu Luo, ministre du Genre et du développement de l'enfant de la Zambie, lors d’un panel de haut niveau sur la fin du mariage des enfants en Afrique, tenue mercredi au siège des Nations Unies à New York.
En dépit des engagements quasi universels visant à mettre fin au mariage des enfants, on estime qu’environ 37.000 jeunes filles sont mariées chaque jour partout dans le monde, selon les données de l’UNFPA pour le mois de février.
Les filles sont souvent retirées de l'école quand elles se marient. « Elles ne pourront jamais être en mesure d’exploiter leur potentiel. Si elles devaient être médecin, elles ne le seraient jamais. Si elles allaient être ingénieurs, ils ne le seraient jamais», a déclaré Mme Luo.
Le mariage des enfants est un frein au développement
Les effets cumulés de cette pratique sont désastreuses, a déclaré Benoit Kalasa, directeur technique de l'UNFPA. «Nous avons cette grande masse d'adolescents ... et parmi elles figure une grande partie qui est privée de la possibilité de se développer en tant que capital humain et ainsi devenir un atout pour leur pays. Et cela représente un gâchis en termes d’opportunité. »
Les panélistes ont dénoncé les rationalisations utilisées pour justifier la pratique.
Par exemple, de nombreux parents croient fermement que le mariage des enfants permet d’assurer les soins et la protection de leurs filles. «Souvent, ils argumentent que c’est pour la sécurité de la jeune fille», a déclaré M. Kalasa, « ce qui n’est pas le cas compte tenu des nombreuses conséquences qui s’en suivent. »
En effet, selon ses explications, « vous l’exposez à des risques. » Le fait est que de nombreux enfants mariées tombent enceintes avant que leur corps ne soit prêt pour la maternité, elles sont confrontées au « risque de décès pendant l'accouchement ou au risque de sortir de l’accouchement avec une morbidité [telle qu'une fistule obstétriques]. »
Certaines familles marient leurs filles pour se décharger du poids financier qu’elles représentent pour eux. Selon Nyaradzayi Gumbonzvanda, ambassadeur itinérant de l'Union Africaine, pour mettre fin au mariage des enfants « Il est inacceptable pour le monde d’accepter l'argument de la pauvreté, soit disant que nos familles puissent être si pauvre au point de marier leurs filles pour sortir de la misère. ».
En fait, le mariage des enfants perpétue la pauvreté. Les filles qui sont forcées d'abandonner leurs études pour se marier auront moins d’opportunités d'acquérir des compétences et de gagner un revenu.
La propre mère de Mme Gumbonzvanda s’était mariée alors qu'elle était encore enfant, a t- elle confiée aux participants de la réunion. « Je sais ce que signifie être né d'un parent dont les rêves ont été compromis, obligé de vivre dans la pauvreté et l'exclusion. »
Maintenir les filles à l'école
Selon les panélistes, les programmes visant à mettre fin au mariage des enfants doivent être intensifiés et doivent impliquer un large éventail de partenaires, y compris les gouvernements, la société civile et les leaders culturels.
Un tel programme a pu sauver Rokiatou, maintenant âgée de13 ans, de l’obligation de se marier.
Avec son partenaire local Mwangaza Action, l’UNFPA a signé un partenariat avec le gouvernement, permettant ainsi d’apporter des informations sur les méfaits des mariages précoces dans les zones du Burkina Faso où la pratique est très répandue. Il a été demandé aux dirigeants locaux de promouvoir l'abandon du mariage des enfants et à la place d’encourager les filles à rester à l'école.
Les efforts de plaidoyer ont touché les parents de Roukiatou dans le village de Debere Talata. Ils se sont laissés convaincre et le mariage a été annulé. Maintenant, ils sont fiers de leur fille qui a récemment obtenu son certificat d’études primaires.
Jusqu'ici on estime que 2.500 filles ont été atteintes au Burkina Faso à travers ce programme.
Rokiatou veut désormais être un défenseur de l'éducation des filles. « Je veux devenir enseignante pour aider mon village et toutes les filles qui n'ont pas encore eu l'occasion d'aller à l'école», selon ses propos face aux fonctionnaires de l'UNFPA lors d’une visite à Debere Talata au mois de mai.
« Je veux dire à tous ces parents de Debere Talata que l'école ne peut être que bénéfique pour un enfant. »