MOKOLO, Cameroun - Dans l'Extrême Région Nord du Cameroun, les femmes et les filles vivent souvent dans des conditions extrêmement pénibles. La violence, le mariage des enfants et les décès maternels sont monnaie courante dans cette partie du pays.
Par contre ces graves préoccupations sont abordées dans un endroit inapproprié en l’occurrence sur la station de radio locale 95,8 FM.
Tous les jours à 13 heures, la chaîne donne aux femmes et aux filles un aperçu sur un autre mode de vie - un monde où elles sont autonomisées et valorisées, et où leurs voix sont entendues.
Menaces pour la santé et les droits des femmes
Selon les données du recensement de la région de l'Extrême-Nord enregistre le deuxième taux de mariage de mariage d’enfants le plus élevé dans le pays chez les filles âgées de 12 à 14 ans. Le débat sur la santé reproductive et les droits des femmes est considéré comme tabou, privant ainsi les femmes et les filles d'informations essentielles et de sécurité. Toutes ces questions participent à l’aggravation du taux de mortalité maternelle au Cameroun, qui est l’un des plus élevés au monde ...
La situation est encore plus alarmante dans le district de Tsanaga Mayo, près de la frontière nigériane. Les attaques menées par le groupe armé Boko Haram ont suscité des dizaines de milliers de réfugiés nigérians dans la région, et de nombreuses familles locales ont également été touchées par la violence.
«Les femmes constituent les fondements d'une société stable. Quand une femme est mal à l'aise ou frustrée à cause de barrières culturelles, ou quand elle n'a pas la possibilité de se faire entendre, toute la société est malade », selon les propos de Pascal Djakaya, chef de la station radio, communément appelée « Echos des Montagnes ».
Leçons pour les hommes et les femmes
Basée dans la ville de Mokolo, Echos des montagnes est la seule station de radio qui diffuse dans la Division de Mayo-Tsanaga. Sa portée couvre le camp de Minawao à proximité, où quelques 40.000 réfugiés nigérians sont contraints de chercher un abri pour se protéger des attaques de Boko Haram.
La station aborde des questions pertinentes à la fois pour les réfugiés et les membres de la communauté locale, allant de la santé reproductive et de l'éducation des filles aux droits des femmes et leur autonomisation.
Un spectacle, «Vie de femme» offre des informations pratiques pour améliorer le statut et le bien-être des femmes.
« Vie de femme permet à une femme de parler de la vie qu’elle mène, des problèmes qu’elle rencontre tous les jours, et des conseils qu'elle utilise pour aborder la question de sa vulnérabilité», a expliqué M. Djakaya. Ces conseils expliquent comment se lancer dans des activités génératrices de revenus, par exemple la vente de produits alimentaires.
Même les hommes se rendent compte de la valeur de ces programmes. «J’appelle ma femme et mes filles pour écouter Vie de femme, car elles peuvent en tirer des leçons très importantes pour leur bien-être », a déclaré Ibrahim, un habitant de Mokolo.
Certains messages sont même destinés aux hommes, en les informant sur les droits des femmes et les conséquences de la violence basée sur le genre.
Donner la parole aux femmes
La station s’est révélée être un outil de santé publique performant.
Le spectacle «Santé Plus» dispose d'experts en matière de santé de la reproduction disponibles pour répondre aux questions des auditeurs. En plus les annonces de service public diffusées dans les langues locales, font la promotion des soins prénatals et encouragent les femmes à accoucher dans les centres de santé locaux au lieu de le faire chez elles.
Un programme, en particulier, offre une plate-forme pour les femmes afin d'exprimer des opinions rarement partagés en public. Dans «Débat au féminin », les femmes discutent de questions très souvent considérées comme tabou, y compris la violence sexuelle, les infections sexuellement transmissibles telles que le VIH, la planification familiale et le mariage des enfants ,
Les auditeurs sont informés sur la façon d’obtenir de l’assistance et des services de santé, y compris les soins fournis aux personnes victimes de mauvais traitement.
« Il donne aux femmes et aux filles vulnérables l'occasion de faire entendre leur voix et de participer à des discussions sur tout ce qui les frustre et affecte leur bien-être collectif», a déclaré Mamoudou Kermi, l'animateur de l'émission.
Outil essentiel pour le développement
Echos des montagnes a été créé en 2007, ce programme fait partie d'un projet conjoint entre l’UNFPA, l'Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture et le Ministère de l'Agriculture.
Grâce au financement de l'Agence de développement suédoise de coopération internationale, l’UNFPA et H4+, ont commencé en décembre 2014 à aider Echos des montagnes, et cinq autres stations de radio communautaires dans le Grand Nord, afin de renforcer leur couverture en matière de santé et de droits humains.
« Les journalistes de ces stations de radio ont participé à des formations sur la façon d'utiliser la radio surtout pour traiter de questions relatives à la santé reproductive et aux droits,» a confié Gabriel Tchokomakwa, Chargé de projet à l'UNFPA.
Toujours selon M. Tchokomakwa, la radio est un moyen essentiel de tendre la main à la communauté. « C’est le moyen le plus sûr et le plus rapide de promouvoir la santé de la reproduction pour le plus grand nombre de réfugiés, déplacés et populations hôtes à l'intérieur. »