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Investir dans les adolescentes africaines pour sauver l'avenir de l'Afrique © UNFPA

La population de l’Afrique de l’Ouest et du Centre est jeune – près des deux tiers n’a pas encore célébré leur 24ème anniversaire.

Cette jeunesse nous donne grand espoir. Son dynamisme et son engagement sont exactement ce dont nous avons besoin pour bâtir un avenir meilleur pour  chacun d’entre nous– mais dans le même temps, cette jeunesse est également source de  beaucoup d’inquiétudes.

Inquiétude quant au devenir de ces jeunes ou des choix qu’ils devront faire s’ils continuent à être privés de qualifications, de services sociaux de base et des opportunités dont ils ont besoin pour réaliser leur plein potentiel.

Aujourd’hui, les jeunes entre 15 à 24 ans représentent 60 pour cent des sans-emploi en Afrique et ceux qui parviennent à trouver du travail, s’activent dans le secteur informel souvent dangereux et pour de bas salaires.

Beaucoup d’entre eux ont grandi au cœur de la pauvreté, des inégalités, des conflits et de l’instabilité auxquels s’ajoutent des catastrophes naturelles et des phénomènes météorologiques extrêmes engendrés par le changement climatique.

Ils n’ont pas reçu l’éducation qu’ils méritent – près d’un tiers des adolescentes ne sont pas scolarisées – et affichent un taux de chômage deux fois supérieur à celui des adultes.

Cette éducation a profondément affecté leur façon d’appréhender la vie, laissant beaucoup d’entre eux dans la désillusion et la privation de leurs droits.

La non satisfaction de leurs besoins les a rendus vulnérables à la radicalisation – ou les a conduits à tout simplement quitter définitivement la région, emportant avec eux leurs talents et leurs frustrations. Voilà un scénario que nous ne pouvons pas nous permettre de laisser s’aggraver.

Les jeunes sont notre avenir et notre plus grand atout – mais seulement à condition de trouver un moyen de les retenir pour les aider à construire leurs pays. Pour ce faire, nous devons effectuer les investissements adéquats pour leur avenir.

Les groupes extrémistes tels que Boko Haram qui ont réussi à recruter de jeunes du Nigeria  et d’ailleurs dans la région, nous montrent qu’il n’y a pas de temps à perdre.

Ce groupe, et d’autres tel que  le MUJAO au Mali, se servant du contexte de mécontentement et de vulnérabilité, ont attiré des jeunes hommes et femmes de tous horizons dans leur giron. En promettant des prêts et de l’argent, ils ont exploité les inégalités économiques existantes afin de les inciter à les rejoindre.

Ces groupes se frayent également un passage dans les communautés en offrant une forme différente de leadership pour se substituer aux autorités locales souvent absentes, inefficaces ou corrompues. En résumé, ils identifient tous les facteurs de frustration  de nos jeunes et les utilisent pour influencer leur manière de penser.

Mais il n’est pas trop tard ! Nous pouvons encore retenir  nos jeunes si nous leur offrons la possibilité de faire le bons choix.

Nous devons renforcer leur confiance dans leurs gouvernements pour qu’ils sachent qu’ils sont écoutés, les aider et les rendre autonomes pour qu’ils contribuent à la transformation de leurs communautés.

Si nous échouons, ils continueront de tomber entre les mains des groupes radicaux ou simplement à fuir. L’exode des jeunes vers l’Europe et vers d’autres horizons montre à quel point ils sont devenus désespérés. On estime que 80 000 des personnes ayant émigré clandestinement par la Méditerranée au cours des deux dernières années sont issues de l’Afrique Sub-saharienne.

Nous devons donc trouver des solutions. Nous devons nous occuper de l’environnement socioculturel qui favorise les pratiques  néfastes et assurer aux filles et aux femmes l’accès à l’éducation afin qu’elles puissent mener une vie décente et épanouie et prendre pleinement part au  développement de leur société.

Nous devons trouver les moyens de réunir les jeunes et les Gouvernements,  pour  rétablir la confiance et faciliter la communication. Et au niveau local, il est nécessaire de renforcer les relations au sein de la communauté afin que les jeunes dialoguent avec les aînés, gardant ainsi les voies de communication ouvertes, car les communautés qui ont fait ainsi ont réussi à protéger leurs jeunes de la radicalisation.

A l’UNFPA, nous considérons l’investissement dans les adolescents et les jeunes comme essentiel pour l’avenir de notre région. Nous travaillons avec les Gouvernements à travers le Sahel, le fleuve Mano, le Golfe de Guinée, le Bassin du Congo et le Bassin du Lac Tchad pour encourager le développement d’initiatives visant à aider les jeunes à tirer le meilleur parti de leur vie et de celle de leurs familles.

Nous appuyons aussi les programmes destinés aux filles afin de les protéger contre toutes formes de pratiques néfastes telles que les mariages précoces, les grossesses précoces, les mutilations génitales féminines et les violences basées sur le genre.

L’année dernière, le Burkina Faso avait lancé une stratégie nationale pour mettre fin aux mariages précoces. Cette année Il a été suivi par le Ghana avec sa campagne nationale pour éradiquer le mariage précoce.

Plusieurs pays dont la Guinée-Bissau, le Nigéria et la République Islamique de Gambie ont également voté des lois nationales contre les mutilations génitales féminines.

L’Union africaine (UA) a aussi reconnu le potentiel de notre jeunesse et s’est engagée à mettre les adolescents et les jeunes au cœur de son agenda de développement.

L’Agenda 2063 qui projette « L'Afrique que nous voulons »  en 2063, nous fournit une vision claire de là où nous voulons aller. Une feuille de route, à laquelle l’UNFPA a contribué, pour la réalisation du dividende démographique grâce à des investissements ciblés en faveur de notre jeunesse sera étudiée au cours du sommet de l’UA à Kigali.

L’année prochaine, le dividende démographique occupera une place importante dans l’agenda des Sommets des Chefs d’Etat et de Gouvernement.

Tout ceci constitue des progrès mais il n’y a pas de temps à perdre. Cela fait dix ans que la Charte de la Jeunesse Africaine, qui promet l’autonomisation et le développement, a été adoptée et pourtant 12 Etats ne l’ont pas encore signée et sur les 42 qui l’ont signée, quatre ne l’ont pas encore ratifiée. Tous les jeunes d’Afrique, quel que soit leur appartenance géographique, doivent pouvoir pleinement jouir des droits et aspirations stipulés dans cette charte.

Ainsi, nous pourrons tout simplement arrêter cette vague de radicalisation, retenir nos jeunes et obtenir « L'Afrique que nous voulons » si nous parvenons à réduire le taux de fécondité et à pallier les faiblesses de notre système éducatif et de nos services de santé – particulièrement pour les filles et les femmes.

Cela nécessitera une gouvernance forte et déterminée et il est grand temps car cet engagement à prendre soin de notre jeunesse ouvrira la voie vers une Afrique en meilleure santé et plus prospère non seulement pour eux mais pour tous. 

Mabingué Ngom est le Directeur Régional de l’UNFPA  pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.