Guinée - À 18 ans, Aminata Doukouré incarne une nouvelle génération de filles qui ont échappé aux mutilations génitales féminines (MGF) en Guinée. Responsable de l’antenne du Club des Jeunes Filles Leaders de Kolenté (CJFL), une commune rurale de la région de Kindia, située à un peu plus de 130 kilomètres de Conakry, elle est une des rares rescapées de cette pratique traditionnelle. “Nous avons déjà connu des cas de filles qui sont mortes dans le camp de l’excision,” affirme Aminata.
L'Enquête Démographique et de Santé (EDS) de 2018 indique que 98.4% des filles entre 15 à 49 ans sont touchées par ce phénomène dans la région de Kindia, qui abrite la ville de Kolenté.
Aujourd’hui, la jeune leader et quelques-unes de ses camarades non excisées du club s’engagent pour voir émerger une génération de filles comme elles. ² “Comme moi je ne suis pas excisée….je veux que les autres filles soient comme moi, ” souhaite Aminata Doukouré. Un souhait noble, mais pas évident dans cette localité où les résistances à l’abandon de cette pratique perdurent. A Kolenté, une ville de 41 7066 habitants (RGPH 2014), 21 506 femmes et filles paient le prix fort des conséquences des pratiques néfastes tels que les mutilations génitales féminines.
“Une fois au marigot, certaines filles que j’y trouve me disent, quitte à côté de nous, toi tu n’es pas excisée, nous, nous sommes des braves filles,” raconte Aminata avec un regard un peu triste. Poursuivant, elle indique : “La réaction des gens m'inquiète souvent, mais je pense que j’ai fait le bon choix et mes parents me soutiennent”.
Aminata fait face à la stigmatisation lors de ses efforts de sensibilisation
Aminata et ses amies, une petite douzaine dans la ville de Kolenté, sont bien plus que des élèves : elles sont des militantes engagées pour les droits des femmes. Leur mission : éradiquer des pratiques telles que les mutilations génitales féminines (MGF). Chaque jour, elles parcourent leur communauté pour sensibiliser les jeunes filles et leurs parents par rapport aux graves conséquences de ces pratiques. Une tâche ardue, car le sujet reste tabou, et les plus jeunes sont souvent contraints de subir sans pouvoir exprimer leur opinion. Pourtant, Aminata et ses amies défient les obstacles, avançant avec courage et détermination.
"J'aime travailler avec Aminata. Souvent, nous sortons ensemble pour expliquer aux filles de notre âge qu'il est normal qu'elles ne soient pas excisées," confie Delphine Kpoghomou, membre du Club des Jeunes Filles Leaders (CJLF). Cependant, ces jeunes activistes sont parfois stigmatisés et exclus lors de certaines réunions sociales. Leur seul « tort » : ne pas avoir vécu l'expérience de l'excision.
Simuler l'excision pour protéger les filles, d'abord de la mutilation, puis de la stigmatisation
Alors que des parents et des militants se battent avec acharnement pour protéger les filles de l'excision, une autre lutte se dessine, celle de les protéger de la stigmatisation. En les épargnant d'une pratique destructrice, ces filles se retrouvent exposées à une autre forme de violence, plus sournoise : le rejet social. Ne pas être excisée, dans une communauté où cette coutume est valorisée, est mal accepté, presque une faute. Ainsi, après avoir été sauvées des mutilations, ces jeunes filles doivent être à nouveau défendues, cette fois contre les jugements et l’exclusion.
Face à la pression sociale certains parents ont donc décidé de simuler des cérémonies de mutilations génitales féminines. “En réalité, nous pensons qu’il y a beaucoup de filles non excisées ” explique Fanta Wagué, Chargée des questions de genre à UNFPA Guinée. “Ces simulations représentent une manière pour les parents de protéger leurs filles” poursuit - elle.
Pour aider ces filles protégées contre les MGF à ne pas céder aux pressions sociales et décider de se faire exciser, le gouvernement de la Guinée, à travers ses services déconcentrés a mis en place des structures de protection de ces filles. Dans le cadre d’un Programme conjoint au niveau mondial avec l’UNICEF, l'UNFPA. Ce programme a appuyé les services de protection dans 1046 villages au cours des 5 dernières années. Après un parcours d’habilitation communautaire appuyé par UNFPA et ces partenaires de la société civile locale, ces villages ont tous déclaré l’abandon des MGF et disposent de familles modèles où les pères et mères ont fait le choix de ne pas exciser leurs filles.
Malgré tous ces efforts, les mutilations génitales féminines demeurent un réel problème à la fois de santé publique et de protection des droits et de l’avenir de ces filles.
Des chiffres qui inquiètent et interpellent les défenseurs des droits humains
Dans le monde, plus de 230 millions de filles et de femmes ont subi des mutilations génitales féminines. La Guinée est l’un des pays en Afrique où les femmes sont le plus touchées par cette pratique. Les taux de prévalence au niveau national sont de 95 % chez les filles et femmes de 15 à 49 ans et 48% chez les moins de 15 ans, dans la région de Mamou (EDS, 2018). Lors de la prochaine EDS, prévue en fin 2024, le pays espère enregistrer des avancées dans l’élimination de cette pratique, grâce aussi aux efforts de filles et femmes engagées comme Aminata avec l’appui des partenaires communautaires et des organisations de développement.
Pourtant les mutilations génitales féminines sont interdites par la loi et constituent une grave atteinte aux droits fondamentaux des femmes et filles. Elles constituent aussi une atteinte grave à l’intégrité physique des femmes. “Nous ne pouvons continuer à accepter la violation de nos droits sans rien faire” indique Aminata. “C’est pourquoi, je suis engagée pour me protéger et protéger aussi mes amies.”.